Abidjan, 12 juin 2024 (AIP) – L’Association des applicateurs phytosanitaires de Côte d’Ivoire (2ARP-CI), créée en 2023, se positionne comme un acteur clé dans le développement du secteur agricole ivoirien. En rassemblant des professionnels qualifiés, l’association vise à jouer un rôle important dans la chaine des valeurs des matières premières et à répondre aux enjeux environnementaux et sanitaires actuels. À travers une interview exclusive, Fanny Zava, président de la 2ARP-CI, nous dévoile les ambitions et les défis de cette nouvelle structure, ainsi que son rôle crucial dans l’accompagnement des exploitants et l’amélioration des pratiques phytosanitaires.
Agence ivoirienne de presse (AIP) : Dans quelques semaines vous lancerez les activités de votre association. Pouvez-vous la présenter ?
Fanny Zava : L’Association des applicateurs et revendeurs phytosanitaires de Côte d’Ivoire (2ARP-CI) a été créé en 2023 dans le but de faire connaitre notre domaine d’activité auprès du public et promouvoir nos valeurs. La 2ARP-CI réunit des professionnels qualifiés et agréés pour l’application de produits phytosanitaires afin d’aider les industriels, et autres entités morales, et les particuliers à entretenir les espaces couverts et/ou non-couverts. L’association promeut et exige de ses membres, le déploiement d’opération en conformité avec la législation en vigueur. Nous sommes environ six à sept structures qui avons initié la mise en place de cette association que je suis chargée de vulgariser.
AIP : Quelles sont les raisons qui ont motivé la création de votre association ?
F.Z : Depuis longtemps nous exerçons avec beaucoup d’entreprises dans notre domaine d’activité, environ 400 entreprises applicateurs phytosanitaires qui existent en Côte d’Ivoire. Mais, ces entreprises rencontrent beaucoup de difficultés qui se situent tant au niveau de la gestion qu’au niveau des opportunités d’affaires qui se restreignent au fur et à mesure.
Par rapport à cela, nous avons décidé de nous regrouper pour faire une analyse approfondie de la situation et voir dans quelle mesure on pourrait essayer de mettre en avant nos compétences professionnelles ainsi que notre secteur d’activité qui semble méconnu de telle manière à ce que le pouvoir public et tout décisionnaire particulier sache qui nous sommes afin d’apporter notre contribution au développement du pays. Nous comptons aussi travailler selon la réglementation en vigueur initiée par l’Etat à travers son ministère en charge de l’Agriculture dont nous dépendons.
AIP : Vous organisez une cérémonie de présentation et de lancement de vos activités. Qu’est-ce qui a motivé cette initiative ?
F.Z : Nous avons besoin de visibilité parce que c’est un secteur méconnu. En général, ce que les gens retiennent, c’est des petits jardiniers ou encore, d’autres personnes se permettent de s’octroyer nos attributions en utilisant ou pulvérisant pour traiter les produits, ce qui n’est pas de leur ressort. En effet, nous sommes dans un domaine très organisé, spécifique ou tout est évalué tant au niveau des produits que nous utilisons qu’au niveau des techniques pour effectuer le travail. Et en plus, il y a un effet de dangerosité des produits que nous utilisons qui peuvent être nuisibles à la santé quand ils ne sont pas bien utilisés.
Donc, tous ces facteurs sont autant d’éléments déterminants qui nous amènent aujourd’hui à dire stop à un certain nombre d’actions néfastes pour la population. Il est donc important de nous faire connaitre et communiquer des informations afin que chacun puisse apprécier notre secteur d’activité.
AIP : Quels sont les nombreux défis auxquels sont confrontés les applicateurs phytosanitaires ?
F.Z : Aujourd’hui, avec le dérèglement climatique, nous rencontrons pas mal de difficultés. Nous assistons à la baisse drastique de la production du cacao qui peut s’expliquer de différentes manières, notamment les maladies qui attaquent les plantations parce qu’elles n’ont pas été traitées convenablement. Nous sommes bien placés pour pouvoir le faire en tant qu’applicateurs spécialisés. Toujours dans le domaine rural, nous constatons la mauvaise utilisation des produits phytosanitaires qui peuvent entrainer des risques de maladies de cancers.
Même si chaque année, tous les produits utilisés sur le territoire sont évalués et les plus toxiques éliminés, il existe malheureusement des produits contrefaits qui circulent surtout en milieu rural.
AIP : Qu’est-ce que vous attendez de l’Etat par rapport à tous ces défis ?
F.Z : Notre rôle, étant des acteurs de terrain, est de remonter toutes ces informations et aider l’Etat. Et, au-delà de l’aspect technique, nous avons un devoir de sensibilisation du fait que nous connaissons la dangerosité des produits que nous utilisons.
Nous expliquons à ces applicateurs le mode d’utilisation de ces différents produits, leur dangerosité et le risque qu’ils encourent. Pour nous, c’est une façon d’aider l’État à améliorer la santé de ses populations en dénonçant un certain nombre de choses et en essayant de remonter l’information au niveau des différentes structures concernées.
Au niveau urbain, il y a un enjeu très important. Il s’agit de la santé de nos populations ainsi que des travailleurs. Nous avons le devoir de les protéger des moustiques, des cafards qui sont des vecteurs de maladies. Car, si les travailleurs sont malades, cela aura un impact sur le rendement et la rentabilité.
AIP : Sur le plan un peu plus large comment les applicateurs contribuent à l’essor économique, notamment dans le domaine de l’agriculture ?
F.Z : Nous sommes agréés applicateurs de tout ce qui est denrées stockées et exportables. Donc, en termes de label des produits, les applicateurs ont un grand rôle à jouer car, un produit mal traité à l’arrivée engendre des problèmes qui peuvent entrainer une décote au niveau du prix. Donc on a une part de responsabilité à bien traiter le produit de telle sorte qu’il arrive à bon port et de bonne qualité.
Dans le cadre du développement du secteur agricole de notre pays, l’idée de transformer nos matières premières gagne en importance. Cette transformation implique, à terme, la mise en place de plantations industrielles. Pour soutenir et dynamiser ces activités, il est indispensable de disposer de spécialistes tels que nous, capables d’accompagner les exploitants et de traiter efficacement ces diverses plantations.
AIP : Qu’est-ce que vous attendez des autres applicateurs ?
F.Z : Écoutez, on attend des autres applicateurs qu’ils se mettent à niveau dans l’exercice de leur fonction. Il faut être professionnel en respectant la réglementation mise en place par l’Etat. Donc, l’association a pour première vocation, la formation à de nouvelles techniques d’intervention de telle sorte à être plus efficace. Nous devons nous réunir de temps en temps pour sortir des thématiques concernant notre activité.
Nous sommes ravis car les fournisseurs de produits se montrent bien disposés à nous accompagner dans ce cadre. Ainsi, il est crucial de nous regrouper, de nous former et d’accroître notre efficacité, afin de pouvoir relever aisément les défis qui nous sont confiés et de nous hisser au même niveau de compétence. Nous devons également nous efforcer d’assainir notre secteur, en raison de la présence de nombreuses brebis galeuses.
AIP : Quels sont vos projets ?
F.Z : Nous avons un projet juste après la cérémonie de lancement de nos activités. Nous prévoyons organiser des panels avec des spécialistes, des acteurs ou des membres de la société civile, afin de présenter notre secteur d’activité. Il s’agit de montrer quels sont les produits que nous utilisons, quels sont les acteurs dans ce domaine qui est assez spécifique et assez restreint. Nous allons mettre en évidence la réglementation et la législation de ce secteur et solliciter le ministère en charge de l’Agriculture qui pourra venir exposer sur l’évolution de ce secteur.
AIP : Quels sont les domaines que vous voulez améliorer dans vos rapports avec l’Etat ?
F.Z : Il y a des choses à améliorer parce qu’on voit tous les efforts consentis par l’Etat pour améliorer le bien-être des populations. Je pense qu’en tant qu’acteurs spécialisés et formés dans ce domaine-là, nous pouvons leur être très utiles dans le cadre de la lutte contre plusieurs maladies comme le paludisme.
Malheureusement, nous ne sommes pas sollicités pour accompagner l’Etat dans les différentes campagnes. On trouve cela décevant car, nous sommes agréés par le ministère en charge de l’Agriculture qui sait que nous existons mais nous ne sommes pas utilisés à bon escient. Nous profitons pour dire à l’Institut national d’hygiène publique que nous sommes des acteurs à leur disposition et nous pouvons les accompagner à relayer les informations en termes de sensibilisation.
Nous sommes animés par un profond désir de bien accomplir notre mission. En termes d’emploi, ce secteur a aujourd’hui la capacité d’absorber un grand nombre de travailleurs. Compte tenu des enjeux et de l’évolution de notre société, il est impératif d’élever le niveau de compétence de nos agents, car il s’agit également de faire un usage optimal de ces produits.
AIP : Pour le commun des mortels, qu’est-ce qu’un applicateur ?
F.Z : C’est un technicien habilité à utiliser des produits phytosanitaires à l’aide de certains matériaux dans le but de désinfecter ou de fumiger des produits agricoles exportables et lutter contre tout ce qui est nuisible, vecteur de maladie. Un applicateur est un agent spécialisé agréé à choisir le produit, le mélanger et l’appliquer sur un espace. Son rôle consiste également à désherber autour des lignes électriques d’interconnexion afin de les rendre accessibles.
Sur le plan de la technologie, les applicateurs utilisent les drones qui permettent de traiter de surfaces et les vergers qui ne sont pas à portée de main. Aujourd’hui, l’État dispose enfin d’un interlocuteur capable d’engager un dialogue constructif. Nous fournissons à l’État les moyens nécessaires pour exécuter le projet qu’il a lui-même initié.
(AIP)
Interview réalisée par Zagadou Alain