Abidjan, 17 mars 2023 (AIP) – Au nombre des enfants en situation de handicap figurent ceux atteints de cécité. L’Etat de Côte d’Ivoire a créé des structures d’encadrement qui leur dispensent l’éducation. Une incursion dans deux établissements du district d’Abidjan a permis de s’enquérir des conditions souvent difficiles dans lesquelles travaillent ces écoliers.
Un environnement calme et propice aux études
L’Institut national pour la promotion des aveugles (INIPA) de Yopougon et l’Institut de réhabilitation et de formation des enfants aveugles et malvoyants (IRFAM) d’Anyama se distinguent par leur cadre enchanteur à première vue.
Dans l’enceinte de l’école maternelle de l’INIPA, gazon bien tondu, aires de jeux et classes attrayantes. A l’entrée des classes, sont positionnés des seaux pour permettre aux élèves de se laver les mains. Des gourdes des élèves sont bien disposées et rangées devant les salles de classe, les unes derrière les autres.
A l’intérieur des classes, les tout-petits aveugles assis ensemble avec leurs camarades voyants sur une natte, accueillent les visiteurs par « bonjour monsieur, bonjour madame », dans toutes les trois sections.
A l’IRFAM d’Anyama, dans un décor similaire, se mêlent les chants des oiseaux, un air frais dû à des arbustes dans l’enceinte de l’établissement.
Sur la terrasse d’une villa en aménagement, les écoliers non-voyants du cycle primaire sont assis studieusement sur des tables-bancs avec leurs tablettes brailles. La villa sert de lieu provisoire d’apprentissage en attendant la livraison de l’Institut en construction. La présence de personnes inconnues les pousse à lever un tout petit peu la tête avant de replonger dans leurs cours.
Le projet d’éducation inclusive du gouvernement pour briser les barrières sociales
La Côte d’Ivoire veut promouvoir un apprentissage de qualité pour les enfants en situation de handicap, en général, mais surtout les élèves malvoyants dans le système éducatif en vue de favoriser l’intégration des enfants en situation de handicap au sein de la société. Pour cela, elle a initié le Projet éducation inclusive.
A l’INIPA Yopougon, l’élève malvoyant, I. N. Erwann Marie, âgée de trois ans, de la petite section, qui avait du mal à s’épanouir avec les autres enfants en classe, a réussi aujourd’hui à s’y adapter.
« Elle refusait de s’asseoir avec les autres enfants voyants au début des cours, mais aujourd’hui, elle s’assoit, se lève, chante et ne pleure plus. Elle est devenue sociable, joue avec les autres et participe aux activités pédagogiques », explique la responsable de la maternelle, Tiécoura Kouakou Affoué Juliette.
Pendant les travaux pratiques, des fruits, notamment des ananas, des pommes et des oranges sont disposés dans un panier. La maîtresse fait circuler un fruit, par exemple l’ananas, pour montrer l’aspect rugueux ou lisse.
Après l’état du toucher, les enfants passent au coloriage. Cependant, concernant la petite Erwann, le dessin de l’ananas est entouré par des bandes pour empêcher la petite non-voyante de déborder lors du coloriage.
Dans la grande section, avec un effectif de 54 élèves, K. Lyvan âgé de six ans, est le seul enfant non-voyant. La responsable de la grande section, Fatoumata Binaté se réjouit de ce que la collaboration avec les enfants voyants se passe à merveille.
« En grande section, nous remarquons que les enfants sont très sociables. Surtout, les matins quand Lyvan arrive de la maison, ses camarades lui tiennent la main, prennent son sac pour l’emmener en classe », explique Mme Binaté.
Au niveau de l’apprentissage, elle ajoute que Lyvan est un enfant très éveillé qui travaille bien.
« Avant-hier (ndlr, 10 mars), nous sommes allés jouer sur l’aire de jeux et nous nous sommes amusés. Je suis content d’être avec mes camarades », s’est exprimé Lyvan.
En dépit de l’enthousiasme des enfants et des éducateurs, les besoins en matériel didactique demeurent un véritable défi.
Des instituts sous-équipés dans l’incapacité d’offrir une éducation de qualité
La responsable de l’école maternelle de l’INIPA, Koné Massiani épouse Diomandé
Selon la responsable de l’école maternelle de l’INIPA, Koné Massiani épouse Diomandé, le besoin en équipements de la structure est réel. Les seuls matériels disponibles sont les poinçons, les baguettes et les tablettes.
« Les problèmes à la maternelle se situent au niveau du matériel d’apprentissage pour les enfants non-voyants. Il faut faire une adaptation pour pouvoir prendre en charge ces enfants », déplore Mme Diomandé.
Elle se félicite néanmoins de la formation reçue qui leur permet d’encadrer tout type d’enfant. « Nous sommes formées pour les voyants. Cependant, on s’en sort avec les non-voyants », précise la conseillère.
Autres doléances, la direction de la maternelle plaide pour plus de matériels didactiques pour les enfants, notamment des nattes, des chaises, une aire de jeux équipée et des spécialistes pour le petit Lyvan.
L’éducatrice spécialisée, Traoré Ami Sarah
L’IRFAM d’Anyama rencontre les mêmes besoins en matériel didactique que l’INIPA de Yopougon, aux dires de l’éducatrice spécialisée, Traoré Ami Sarah, représentante de la directrice de l’institut.
« Nous vivons grâce aux dons des bienfaiteurs et, pour notre école, nous avons besoin de tenues et de matériel pour les aveugles. Ce matériel vient d’Europe et n’est pas disponible ici (ndlr, en Côte d’Ivoire). Sans cela, nous ne pouvons pas bien travailler », fait savoir Mme Traoré.
Elle explique que les enseignants doivent traduire les textes en braille avant de les mettre à la disposition des élèves malvoyants. La transcription des documents prend du temps.
La maîtresse d’éducation spécialisée, Sabine Ettien épouse Atobla, tenant la classe de CE1 abonde dans le même sens. Elle souhaite bénéficier de livres en braille et de calculatrices pour chaque enfant pour une meilleure célérité dans le travail.
Ces enfants victimes de stéréotypes dans leur environnement
Comme tous les enfants en situation de handicap, les non-voyants sont souvent marginalisés dans leur milieu de vie du fait des stéréotypes.
Le directeur général de l’INIPA de Yopougon, Pokou Komenan, déplore le fait que les enfants aveugles soient considérés comme des « êtres maudits ».
Le directeur général de l’INIPA, Pokou Komenan
« En Afrique, nous avons de ces idées qui font que les enfants sont stigmatisés. On dit que ce sont des enfants qui sont issus d’une malédiction. (…) Il y a toujours une cause surnaturelle à la cécité alors qu’il n’en n’est rien », explique M. Pokou. Il invite les parents à bannir ces idées préconçues et à faire en sorte que tous les enfants aillent à l’école.
(AIP)
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(Reportage réalisé par Philomène Kouamé)