Agboville, 22 fèv 2023 (AIP) – « On a dansé, dansé. J’ai dansé avec mon mari et mes enfants. Vraiment c’est une bonne nouvelle. Quand je suis arrivée au marché matin, j’ai dit à tout le monde, on est libéré oh ! libéré ! libéré ! », clame une commerçante du grand marché d’Agboville, connue sous le nom de Maman de Sadia, visiblement heureuse.
L’ouverture des frontières terrestres annoncée en conseil des ministres, mercredi 15 février 2023 a été accueillie avec beaucoup de joie chez des commerçantes d’Agboville qui s’approvisionnent sur les marchés des pays de la sous-région. Elles sont des habituées des longs trajets en car, de la Côte d’Ivoire au Nigéria en passant par le Ghana, le Bénin et le Togo.
Elles vendent divers articles mais ils sont tous liés à la femme à savoir les pagnes, les ustensiles de cuisine, les sacs à main, les pommades, les chaussures, les parfums, les bijoux, les produits pour cheveux …
Avec le sourire, Maman de Sadia assise sur un petit banc à l’entrée de son magasin, ne peut contenir sa joie. Elle balance ses bras, tape du pied le sol, tape les mains comme si elle voulait danser à nouveau. Son attitude particulière ne passe pas inaperçue et fait éclater de rire sa jeune fille qui l’aide à la vente de ses articles. « Mercredi on nous a dit qu’ils ont ouvert (les frontières) oo0h », répète-t-elle, toute joyeuse.
A en face d’elle, Roda Eyetola, la soixantaine, remercie Dieu pour cette décision. Elle fait savoir qu’elle a déjà reçu des appels de ses fournisseurs du Nigéria, de Lomé et du Ghana.
« Il y a longtemps que la frontière était fermée. Ça ne nous arrangeait pas. Vraiment c’est très difficile. A un moment, je me suis découragée. Comme c’est ouvert, on va chercher à partir dans deux jours là. Quand c’est ouvert comme ça, tu vas comme tu veux. Tu paies ton droit et tu passes. Il n’y a pas de problème », dit-elle d’un air vraiment soulagé.
Quant à Siéougo Awa, une vendeuse de pagnes et de sacs à main, elle veut d’abord prendre des renseignements concernant le transport et avant de programmer un voyage vers la fin de ce mois pour Lomé.
L’ouverture des frontières sonne la relance des activités pour Bassamania Marguerite, qui indique que cette nouvelle vient à point nommé « Nous avons tous attendu ce grand moment », ajoute-t-elle avec un soupir.
Pendant la fermeture des frontières, « on s’est débrouillé…, ce n’était pas facile…»
Avant la fermeture des frontières, ces femmes étaient fréquemment sur les routes. En moyenne trois fois dans le mois ou dans l’année, alternés parfois par des commandes qu’elles vont récupérer à Abidjan. Ces voyages durent plusieurs jours, avec une escale dans chaque pays traversé, pour l’achat de marchandises propres à une localité donnée.
Mais depuis le 20 mars 2020, elles se sont tournées vers d’autres alternatives pour se ravitailler surtout les commandes par appels ou en ligne. D’autres ont cessé de vendre certains articles.
« Pendant la fermeture, j’appelle au Bénin, au Ghana, au Nigéria que je veux ça et on m’envoie un peu un peu. On commande au Nigéria et on va prendre à Adjamé. Ça peut mettre un mois avant d’arriver. Je partais payer aussi à Adjamé. On s’est débrouillé jusqu’à aujourd’hui », explique Maman de Sadia dans un français approximatif.
Si Maman de Sadia n’a pas effectué de voyage durant presque trois ans, ce n’est pas le cas pour Roda Eyetola. Elle s’est rendue au Nigéria pour des raisons familiales et en a profité pour faire des achats.
« Quand je partais, on est passé à Agnibilékrou et on a fait trois jours sur la route. Avant, quand on quitte en Côte d’Ivoire aujourd’hui, demain on est au Nigéria. Au retour, je voulais passer à Noé, on m’a fait passer sur l’eau jusqu’à on est rentré. Depuis ce jour-là, moi j’ai dit je ne vais plus », relate-t-elle.
Dame Dan Virginie, une habituée des voyages en Chine, en Thaïlande et en Turquie pour l’achat de ses marchandises, a aussi vécu un mauvais souvenir pendant la période de la fermeture des frontières. Elle s’était rendue à Accra et à Lomé en fin d’année 2022, pour s’approvisionner pour les fêtes. Debout dans son magasin avec un pagne qu’elle déplie et replie, elle marque une pause avec ses clients pour nous raconter son périple.
« Ce n’était pas facile. J’ai emprunté un car qui m’a laissé à Noé et on a traversé la frontière et on a pris les taxis du Ghana qui viennent garer à la frontière. Arrivée à Elibou, pour que le car charge c’était un problème parce qu’il n’y avait pas de passagers puisque la frontière était fermée », rapporte, dame Dan, totalement débitée.
« Tellement on avait duré, on a fini par cotiser pour payer les places vides du véhicule pour qu’on puisse partir. Quand je suis revenue, j’ai dit tant qu’on n’ouvre pas les frontières, moi je n’irai plus. J’étais beaucoup fatiguée », raconte-t-elle sous l’air attentif d’une cliente assise dans une chaise juste à côté d’elle.
Après pratiquement ces trois ans qui ont affecté les quotidiens des activités de ces femmes, elles retrouvent la liberté de voyager et de diversifier à nouveau leur commerce. L’ouverture des frontières rime aussi avec relance économique pour ces dames de la route.
(AIP)
Ena/tm